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Architecture / Contemporain

Transformation des combles

Nicoucar Steininger architectes

La cathédrale, le Salève, le Jet d’eau en étirant le regard. Depuis la terrasse créée ex nihilo sur un classique toit pentu genevois, la vue balaie l’horizon en panoramique à 360°. Longue d’une vingtaine de mètres, séquencée de multiples bacs à plantes, c’est un ponton de teck ouvert aux quatre vents où on a l’impression de fendre la mer des toits environnants. Une partie de la surface est recouverte d’une pergola préfabriquée qui vient épouser la structure existante, et protéger la cuisine extérieure. Les lames qui la recouvrent, amovibles et inclinables selon l’orientation du soleil, sont les prémices du geste architectural qui se déploie à l’étage inférieur ; le prolongement d’une intervention qui a de la suite dans les idées. 

Un appartement rayonnant 

À la base, il s’agit d’un appartement de 213 mconstruit dans un ancien galetas, dont le programme permet d’accueillir un couple avec enfant. Logique, il y a deux chambres avec salles de bains attenantes. En pratique, c’est un jeu de cache-cache architectural où les espaces évoluent au gré des envies de l’usager. Pour ce faire, le parti pris a été d’exploiter au plus près les volumes à disposition tout en composant avec de grosses contraintes existantes. Repris en cours de chantier, l’espace a été entièrement revu et augmenté en mètres carrés. L’appartement a été repoussé aux limites de ses volumes. 

Des alcôves sur mesure 

Autour d’un noyau central concentrant l’escalier d’entrée et le système terminal de la cage d’ascenseur, le lieu distribue les espaces à la manière d’une Mire de Siemens. 

« Cette réalisation agit comme un aiguillon sensoriel, une piqûre esthétique dont on garde longtemps la marque. » 

Hormis le salon et la salle à manger, les différentes pièces ont toutes été créées dans des alcôves approfondies sur mesure. Ça ressemble à un loft, dont chacune des pièces présente une forme de retranchement, qui n’offre aucune vue droite, renforçant ainsi le sentiment d’introspection. La disposition des lames de bois qui occultent pour partie les espaces ont un rythme propre, du plus serré au plus espacé, à la manière de rideaux entrouverts, ceci pour un surcroît de légèreté, de dynamisme. Une fois dans le bureau, dans la bibliothèque, dans la cuisine ou le dressing, on est « à l’intérieur de l’intérieur ». Dans des espaces protégés, alors qu’aucune porte ne vient en clore les ouvertures. 

Un appartement, comme éventré tant il semble révélé de partout, qui est à l’image du travail effectué sur l’éclairage. Toujours indirect, révélant ses facettes de manière discrète. Il éclaire, mais il met avant tout de l’ambiance. 

Vide, l’appartement est conçu comme un parc de sculptures avec la cage d’escalier, qui recèle en son sein la poulie de l’ascenseur desservant l’immeuble; la cheminée, ajoutée comme un caprice de bon goût ; l’îlot qui délimite l’espace cuisine tout en l’inscrivant de plain-pied dans l’espace commun; le buffet servant notamment à dissimuler l’écran télé. 

Les poutrelles de la structure métallique offrent un contre-point industriel à la marqueterie du parquet posé en point de Hongrie ou à des lamelles installées à intervalles réguliers faisant office de lanterneau naturel. En chêne teinté, celles-ci créent l’intimité, dirigent la lumière naturelle, mais également sa cousine artificielle à la nuit tombée. En fin de journée, l’ambiance est celle d’un tableau de Hopper.

Ce parti pris lumineux, à la limite de l’installation artistique, aux confins de l’expérimentation, fait penser aussi aux installations du Danois Oliafur Eliasson ou à celles de l’Américain Doug Wheeler. Yasmin Nicoucar explicite : « J’aime cette expérimentation de l’espace par des vecteurs différents, qui permet de stimuler tous nos sens. Je veux faire en sorte que l’habitant ou le visiteur de ces lieux en conserve un souvenir dans un coin de sa mémoire.» 

Le sol est d’un seul tenant, vivant, constitué de pierres de rivière concassées, un assemblage réalisé lui aussi sur mesure par l’entreprise bernoise Weiss + Appetito.

Très riche dans ses fonctionnalités, très noble de par les matériaux utilisés et le rendu obtenu, c’est un appartement qui se suffit à lui-même. C’est-à-dire que même nu, il suffit de peu pour l’habiller. Car l’ensemble architectural ne mérite sûrement pas une décoration chargée. 

Une aventure intérieure 

Un détail encore. Dans l’ascenseur, le numéro 5 de la console ne dessert plus l’étage voulu. Comme si celui-ci avait disparu, dissimulé au regard du monde. C’est l’étage 7 et demi du film Dans la peau de John Malkovich, l’oasis mirage qui n’existe que pour celui qui la voit. Ou qui l’habite. 

Les espaces de vie du rez-de-chaussée se développent, de manière traversante, entre cour et jardin. À l’étage, un espace central, éclairé naturellement par un lanterneau, accueille la distribution verticale et relie les espaces de repos.

 

Texte : Maxime Pégatoquet 

 

 

Transformation des combles, Genève

©Dylan Perrenoud 

Transformation des combles  

 

Architecte : nicoucar steininger architectes

Lieu : Genève

Réalisation : 2017 – 2018

Surface :  220 m2

plan étage

plan terrasse